samedi 11 avril 2015

Je n'ai rien oublié, de Ryan Andrews, paru en 2015 chez Delcourt

 

Cette BD de l'américain Ryan Andrews est un recueil de quatre histoires courtes : "Rouge sang", "Je n'ai rien oublié", "Le tunnel" et "Sarah et la petite graine".
"Rouge sang" est le récit d'un souvenir d'enfance. Le narrateur et ses deux frères ont assisté à la mort d'une dizaine d'oies sauvages, tombées directement du ciel sur le toit de leur maison, l’imprégnant de tâches rouges. Cette nouvelle dépeint tout en simplicité et finesse les émotions des trois enfants après cet évènement à la fois étrange, tragique et effrayant, et comment ils réagissent face à la rudesse de leur père. Elle ressemble fort à un souvenir personnel de l'auteur. Mais peut-être n'en est-ce pas un et l'a-t-il entièrement inventé, et dans ce cas, remarquablement narré, au point de donner au lecteur cette impression de vécu. Ce récit est en tout cas vraiment bien écrit, et nous immerge dans une ambiance onirique propre à l'enfance.

En lisant "Sarah et la petite graine" j'ai immédiatement songé à de nombreuses versions de contes populaires, dans lesquels une femme qui n'arrive pas à avoir d'enfant va finalement donner naissance qui à un grain de millet, qui à une courgette, qui à un petit pois. Là encore, je ne sais pas si l'auteur connaît ces contes, mais son récit, qui en rappelle les prémisses, est très beau et bien ficelé. C'est donc l'histoire d'un couple, "un vieux et une vieille", pourrait-on lire dans un conte traditionnel, qui n'ont pas réussi à avoir d'enfants. Quand un jour, la vieille donne miraculeusement naissance à... une grosse graine. Elle va la choyer, la couver, sous le regard angoissé de son vieux qui la soupçonne de perdre la tête. Une histoire toute simple là encore mais débordante de fraicheur, un petit rayon de soleil qui fait du bien.

Plus rapidement, pour ne pas tout dévoiler : Dans "Le tunnel", on suit le délire kafkaïen d'un homme en train de prendre son bain, qui aperçoit un trou caché derrière le carrelage du mur de la salle de bain et s'y engouffre... Et dans "Je n'ai rien oublié", un enfant qui doit affronter un deuil suit un être étrange dans la nuit.

Avec ces quatre récits sans prétention, il ne faut pas s'attendre à du sensationnel, tout est dans l'émotion discrète. Nous plongeons dans une réalité trouble, onirique, nous ne savons plus trop où est la frontière entre le réel et l'imaginaire, nous sommes entre deux mondes et c'est à la fois apaisant et exaltant. Mystère et étrangeté règnent ici en maîtres. 
Le graphisme est splendide, tout en niveaux de gris (et rouge pour "Rouge sang", et rose pour "Le tunnel"). Les cadrages sont dynamiques et offrent au récit une grande vitalité. Un auteur à suivre!

Camille

vendredi 3 avril 2015

Derrière chez moi (kamishibaï), écrit par France Quatromme, illustré par Hyuna Shin, paru aux éditions Lirabelle en 2012



Ce magnifique livre existe sous forme de kamishibaï (théâtre de papier ou théâtre d'images japonais) et sous forme d'album. Il peut donc, selon le format, être lu dans l'intimité, ou bien montré à des groupes d'enfants.

Le kamishibaï est une technique de contage japonaise, sous forme de petit théâtre ambulant, et qui était à l'origine installé à l'arrière d'un vélo. Il faut insérer les planches de l'album, non reliées, dans un "butaï" (un petit théâtre en bois). Les illustrations sont montrées au groupe d'enfant et le lecteur lit le texte qui est inscrit derrière les planches. Une lecture à voix haute "spectaculaire"! Parfait pour les professionnels de la petite enfance (crèches, bibliothèques, écoles, centres de loisirs)... mais pourquoi pas aussi pour les réunions de famille ou les familles nombreuses!
 Les illustrations de la coréenne Hyuna Shin, splendides, sont merveilleusement mises en valeur par le grand format du kamishibaï et nous transportent dans un univers onirique, doux, brumeux. Le mélange des techniques (collages, aquarelle) offre des jeux de transparence ravissants, les teintes automnales, les bleus-verts aquatiques, sont de toute beauté.
Le texte, court, commence par un conte-randonnée "Derrière chez moi il y a une forêt, dans cette forêt il y a un arbre, dans cet arbre, etc (...)" et se poursuit avec une comptine des jours de la semaine. C'est un répertoire parfaitement adapté pour les tout-petits (autour de 2 ans).
Petit plus très sympathique : c'est une version quadrilingue français-anglais-turc-espagnol, non pas pour faire de vos enfants des petits singes savants, mais pour les amuser, les étonner, leur faire découvrir les sonorités et la musique d'autres langues, ou bien pour partager cette histoire avec des enfants non francophones.

Le site des éditions Lirabelle : http://www.lirabelle.fr/

Deux autres éditeurs spécialistes du kamishibaï : 

Un livre de référence sur le kamishibaï :  La boîte magique - Le théâtre d'images ou kamishibaï : histoire, utilisations, par Edith Montelle aux éditions Callicéphale, réédité en 2014.


 Camille