Un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire de septembre !
Est-ce
que Vera est une histoire d'amour ? Son auteur
Karl Geary nuance dans une interview donnée au journal Libération :
Vera est « plus une histoire de désir, de convoitise, de
solitude ». Désir passionnel d'un adolescent de 16 ans,
solitude d'une femme à l'âge non précisé, probablement la
quarantaine. C'est surtout une rencontre improbable entre deux
personnes que tout oppose : l'âge, le milieu social, la
culture. Sonny erre dans les limbes de l'adolescence, écrasé par le
poids d'un milieu social qui ne laisse aucune place au rêve. Une
famille rustre et pauvre, un petit boulot dans une boucherie, une vie
de lycéen fantomatique, invisible et délaissé. Sonny est un voleur
de pièces de vélo, galérant pour se procurer alcool et cigarettes
à partager avec Sharon, son amie d'enfance brute de pomme. Sonny a
les ongles crasseux d'un fils d'ouvrier mais sa sensibilité à fleur
de peau se heurte sans cesse à un horizon au ras du sol.
Vera est une femme mystérieuse, qui
« ressemble à une star de cinéma ». Elle est riche,
cultivée et vit dans un quartier chic. Elle semble aussi très seule
et nous ne saurons presque rien de sa vie. La rencontre se produit
alors que Sonny accompagne son père pour faire des travaux dans la
maison d' « une vieille bourge ». Mais la vieille
n'est finalement pas si vieille que ça, elle est même plutôt belle
et l'adolescent est immédiatement attiré par cette femme
mystérieuse. Passion aveugle, attrait pour un monde inconnu et
impénétrable, adulation, idéalisation, qu'importe, les sentiments
et le désir naissant de Sonny sont puissamment évoqués. Délicat
et percutant, ce roman surprend par l'approche réaliste et dure,
dénuée de mièvrerie, de cette improbable rencontre. Par ce
portrait saisissant d'un jeune garçon vulnérable, en proie à un
désir physique mais aussi à une envie rageuse, désespérée,
d'échapper à sa condition. Lui qui n'a jamais possédé de livres,
il s'essaie à lire des poésie de T.S. Eliot chapardées chez Vera.
Elle, apparaît comme une femme absente et inaccessible, tant à
Sonny qu'au lecteur.
Utilisant la deuxième personne du
singulier, l'auteur parvient à produire un procédé narratif qui
peut étonner voire rebuter au premier abord, mais qui s'avère
judicieux : en tutoyant Sonny, il provoque une proximité
efficace avec le lecteur. Beaucoup de non-dits laissent enfin une
grande place à l'imagination et confèrent à ce récit une
puissance et une grâce qui touchent au cœur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire