mercredi 7 décembre 2016

"La leçon interrompue" d'Hermann Hesse, Calmann-Lévy, 2012 (réed.)



Ces cinq nouvelles ressuscitant des souvenirs personnels d'Hermann Hesse furent écrites entre 1896 et 1949. « Mon enfance » et « Mon camarade Martin » évoquent le monde de l'enfance, les amitiés oubliées resurgissant soudainement du passé, les caprices de la mémoire, tandis que « La leçon interrompue » et « Le mendiant » révèlent la naissance chez le jeune Hermann Hesse de questionnements éthiques sur la pauvreté et la richesse, la charité, la compassion, la vérité et le mensonge. Avec « Histoire de mon Novalis », Hermann Hesse, véritable bibliophile, nous entraîne à travers l'histoire des différents possesseurs d'un livre de sa bibliothèque personnelle.

« Je ne possède rien de plus précieux que ma bibliothèque, rien qui me rende plus heureux et dont je sois plus fier. »

Par sa plume légèrement lyrique, raffinée, imprégnée de poésie, l'auteur décrit à merveille l'enfance, son insatiable curiosité, son attrait pour les choses de la nature, l'éveil de son intelligence, sa recherche de vérité mais aussi sa révolte contre les erreurs grossières de méthodes éducative et pédagogique tels les châtiments corporels, inutiles et humiliants, pratiqués par les adultes.

« L'existence de bien des personnes gagnerait en sérieux, en probité, en déférence, si elles conservaient en elles, au-delà de leur jeunesse, quelque chose de cet esprit de recherche et de ce besoin de questionner et de définir ».

Il y invoque l'importance des histoires, merveilleuses ou mythologiques, la découverte de l'école qui inaugure les prémisses de la vie sociale, et s'attarde dans plusieurs récits à décrire les amitiés, enfantines et adultes. Hermann Hesse dévoile le fonctionnement surprenant, parfois troublant voire effrayant de la mémoire, à travers le surgissement, alors qu'il était enfant, du souvenir de son ami Brosi, mourant, qu'il avait enseveli au plus profond de sa mémoire alors qu'ils étaient inséparables quelques mois auparavant, ou encore ce moment passé avec son camarade de collège Martin, dont ils garderont l'un et l'autre un souvenir complètement différent et contradictoire. Qui se trompe ? Qui a raison ? Chacun, selon son état d'esprit du moment, a pu être amené à fabriquer un souvenir. Hermann Hesse réalise à quel point son « amour de la narration bien faite » peut l'avoir amené à déformer des événements et des expériences. Il aborde avec justesse l'impossibilité pour l’écrivain de saisir complètement la réception lectorale : 

« Nous parlons à des êtres que nous connaissons mal et dont nous savons qu'ils lisent déjà comme une langue étrangère nos paroles et les signes qui les représentent. »

Un recueil de nouvelles difficile à résumer, car il parle à la fois de petits rien et de questions philosophiques, fondamentales, avec une grande sensibilité et un immense pouvoir évocateur. 

Camille

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