vendredi 16 décembre 2016

« L'affaire Arnolfini. Les secrets du tableau de Van Eyck, roman d'investigation » Par Jean-Philippe Postel, préface de Daniel Pennac, paru chez Actes Sud en 2016




Jean-Philippe Postel n'est pas historien de l'art, il est médecin. Il nous propose ici un livre captivant, admirablement documenté sans être pour autant hermétique ni destiné aux seuls érudits. Le protagoniste de ce « roman d’investigation » est la fameuse peinture de Jan Van Eyck, Les Epoux Arnolfini, que la première description connue, en 1516, nommait Hernoult-le-Fin avec sa femme, et qui demeure l'un des tableaux les plus commentés de l'histoire de la peinture.

Peint probablement en 1434, ce tableau énigmatique représente un couple à la posture étonnante, se tenant la main à distance et sans se regarder. L'homme se tient raide, le regard sombre et hagard, tandis que la femme fixe la main droite de l'homme, dressée dans un geste de serment. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Un homme faisant une promesse de mariage à une jeune fille ? Un mari cocu et sa jeune épousée infidèle ? Sont-ils les époux Arnolfini ? Est-ce un autoportrait déguisé de Van Eyck et de sa femme ? Nombreux sont les chercheurs, « hantés » par ce tableau mystérieux qui, à l'instar du grand historien d'art Erwin Panofsky, s'essayèrent à en proposer une interprétation, à percer le secret de ce couple intriguant. Décryptant les symboles picturaux du Moyen-age et de la Renaissance et les leurres glissés par le peintre, avec une méthode rigoureuse et une documentation fournie, Jean-Philippe Postel démontre la volonté de dissimulation, de double lecture inscrite par Van Eyck dans ce portrait. 

Certains de ses arguments sont convaincants ; d'autres, bien que cohérents, laissent dubitatif. Mais le principal intérêt de ce livre n'est pas d'accéder à LA vérité, qui restera à jamais inaccessible par manque d'informations vérifiables et de faits établis sur la vie de Van Eyck ou sur le commanditaire du tableau. Sa force, c'est de susciter une vive curiosité, une soif d'investigation, de recherche, d'analyse. Sa force, c'est de pousser à imaginer quelle histoire nous raconte ce tableau, quelles histoires nous pouvons inventer à partir de ses éléments, visibles ou soigneusement cachés. Quoi de plus plaisant que de se promener à travers l'histoire de la peinture en menant l'enquête, en regardant ses œuvres à la loupe, comme le propose aussi Daniel Arasse dans Le détail : pour une histoire rapprochée de la peinture. Quel délice, quelle jubilation de se voir dévoiler un secret ardemment recherché depuis le XIXe siècle !


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