Résumé (éditeur) :
"Dix ans après la parution du très remarqué album Sainte famille, Xavier Mussat publie la chronique intime d’un amour destructeur. L’autobiographie en bande dessinée à son plus haut niveau.
Au tournant du millénaire. Il est animateur pour le dessin animé
Kirikou et la sorcière. Au sein d’un groupe d’amis, il recherche une
alternative au contexte morose de ces années 90. Elle débarque à
Angoulême, en quête d’un destin artistique. Ils se rencontrent, elle
l’attire, elle le repousse, il la protège. Et progressivement, une
relation amoureuse s’instaure, intense et exclusive, faite
d’attraction-répulsion et de dépendance mutuelle (...)"
Carnation
est d'abord un magnifique objet, fruit d'un travail éditorial
soigné. Signet, couverture cartonnée et gaufrée, trait doré
rappelant la gravure lui confèrent un aspect luxueux. L'illustration
intrigue, subjugue par sa force symbolique et donne furieusement
envie d'ouvrir l'album. La typographie annonce elle aussi le
contenu : les lettres A du nom de l'auteur et du titre,
symétriquement positionnés sur la couverture, semblent fonctionner
en miroir. Miroir de l'altérité, miroir de l'introspection dans
lesquels pourra se mirer et se « réfléchir » le
lecteur. La force de ce récit cathartique réside en sa capacité à
transformer une histoire intime en œuvre littéraire, à
universaliser une expérience personnelle, autobiographique. Autour
du drame d'un enchaînement de relations amoureuses « toxiques »
vécues par l'auteur, qui trouve son apogée avec Sylvia, sont passés
au crible les métiers de l'image, la complexité et les méandres
des relations familiales, de l'amitié ou encore la conjoncture
économique des années 90.
Utilisant
au maximum les potentialités symboliques du graphisme, Xavier Mussat
propose une illustration inventive riche de sens, qui complète,
augmente le texte à la manière de David B, Craig Thompson ou
Philippe Squarzoni. Ainsi emprunte-t-il les personnages-balais de
Fantasia (p. 21) pour appuyer sa critique acerbe de l'industrie du
dessin animé, véritable usine culturelle faisant appel à la
main-d’œuvre peu onéreuse de chômeurs non qualifiés.
Xavier
Mussat fait voir et questionne avec tact l'éternel recommencement de
comportements nocifs et destructeurs dans lequel des hommes et des
femmes se trouvent pris au piège, à travers des relations
sentimentales basées sur des malentendus : pure attirance
sexuelle, besoin de domination, élans protecteurs, fuite de la
solitude se camouflent derrière la cristallisation amoureuse...
« Est-ce
que tu crois qu'on est capable de s'infliger inconsciemment ce qui va
contre soi ? On serait à ce point maso qu'on s'éprendrait de
ce qui nous détruit ? » (p. 110)
Carnation
invite à un retour sur nous-même, remuant nos années d'errances,
qu'elles soient nos vingtaines ou nos trentaines, sur les
psychodrames surjoués que nous avons pu vivre, explosions de
violences et d'agressivité jalonnant notre quête de l'autre
masquant une quête de soi. Comme les mains qui soulèvent
délicatement la peau de la jeune femme sur l'illustration de
couverture, ce récit nous pousse à disséquer notre propre intimité
passée, à laquelle nous avons tourné le dos, celle que nous avons
cru laisser derrière nous, mais qui est toujours là dans nos
entrailles. Xavier Mussat illustre deux voies parallèles, à mon
avis jamais définitivement suivies ou abandonnées, celle d'une
complaisance dans le malheur inconsciente ou consentie, celle d'une
recherche d'équilibre et d'apaisement.
« La
soie, la joie... le bonheur ! Ne reviens pas ! »
(Pigalle, Ne reviens !)
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